Ce mot ‘Rasa’ signifie en premier : « sève, suc, moelle », puis : « saveur, goût, sensation », associé aux expériences sensorielles avec les 6 saveurs bien connues : sucré -salé-acide-amer-piquant-astringent.
Mais « rasa » prend naturellement un sens psychologique, évoquant alors le sentiment, l’émotion, et le plaisir esthétique en particulier. La Tradition reconnaît 9 rasa : le sentiment érotique, le comique, le pathétique, le furieux, l’héroïque, l’effroi, l’odieux, le merveilleux et la paix.
Quand nous disons « saṃskṛtaṃ sukham », nous voulons signifier clairement que le sanskrit engendre un sentiment particulier de plaisir sattvique, de joie, de plénitude même. C’est une expérience souvent attestée par les élèves du CIS (Cours d’Initiation au Sanskrit), pourtant confrontés à bon nombre de difficultés linguistiques.
Si l’on explore plus avant ce mot « sukham » on comprend mieux ce qui est impliqué.
Su-Kha est un adjectif formé du préfixe ‘su-‘ qui indique une valeur de « bon, bien, agréable, facile, doux et même sucré », et du mot neutre ‘kha’ qui signifie « trou, cavité ouverture », puis « moyeu de la roue, vide, air, éther ». Mot ancien, fréquent dans les Upaniṣad, ‘kha’ a été remplacé par le mot classique bien connu ‘ākāśa’. Mais il nous reste le composé su-kha, indispensable, au large champ sémantique puisqu’il va de la jouissance matérielle et plaisir sensuel, à la félicité spirituelle.
En faisant vibrer ensemble les deux composants de ‘su-kha’, on affine et approfondit le sens annoncé : il s’agit d’un espace ouvert, sans obstacle où il est facile d’expérimenter la joie inhérente à la vie, partout répandue ; une conscience de vastitude, d’expansion, apte à goûter l’Ānanda éternel, universel, inlassablement évoqué par les Ṛṣi antiques (Rishi), les voyants du Veda.
A l’inverse, le mot ‘duḥ-kha’, exact contraire de sukha par le préfixe dus/duḥ ‘mal, mauvais, difficile’, a pour sens vrai : un espace étroit, un manque d’air, et donc une difficulté à vivre, un malaise, une souffrance, dus à la contraction de la conscience qui semble se recroqueviller et se refermer sur elle-même.
La langue sanskrite a ce pouvoir d’apporter du sens et de la clarté, d’ouvrir la conscience à des espaces subtils. Elle nous reconnecte, dans l’unité, aux plans supérieurs où ne s’exprime que « sat-cit-ānanda », vérité de l’être, plénitude de joie.
Le rasa qu’elle engendre est bien sukham, délice et joie.