Sanskritam Sukham

La Gāyatrī​

La Gayatri - Prière hindoue - Traduit et commenté par Dîpa Hélène Marinetti
OṂ bhūr bhuvaḥ svaḥ ।
tat savitur vareṇyam bhargo devasya dhīmahi।
dhiyo yo naḥ pracodayāt ।।
śāntiḥ śāntiḥ śāntiḥ ।।
OṂ Terre (bhūḥ) ! Atmosphère (bhuvaḥ) ! Ciel (svaḥ) ! 
Contemplons (dhīmahi) ce merveilleux (tat.. vareṇyaṃ) éclat (bhargaḥ) du divin Créateur (devasya.. savituḥ). Puisse-t-il guider (yaḥ..pracodayāt) nos (naḥ) pensées (dhiyaḥ) ».
Paix (śāntiḥ) ! Paix ! Paix !
 

Présentation de l’hymne

Voici la célèbre Gāyatrī, la prière hindoue par excellence, petit verset extrait du maṇḍala 3 du Ṛgveda, Hymne 62, verset 10, qui termine cette troisième partie du Livre des Hymnes.
 
Cet hymne, composé par le grand ṛṣi Viśvāmitra, invoque divers dieux, dont savitā, le Soleil, en son aspect créateur (racine SU/SAV, engendrer). Le verset précédent la gāyatrī est adressé à Puṣan, le Soleil dans sa fonction de « nourrisseur », celui qui fait croître la création.
 
Les deux versets suivants prient le divin Soleil d’octroyer ses bienfaits aux hommes chargés d’offrandes et de prières, et aux prêtres inspirés et sages qui honorent Savitrī par leurs sacrifices.

La partie de l’hymne qui a été sélectionnée pour devenir le mantra essentiel de la religion hindoue est donc appelée la sāvitrī ( qui concerne le Soleil savitṛ) ou la gāyatrī (racine GĀ chanter).

Mais ce mot féminin, gāyatrī, a d’autres sens  : il désigne la versification spécifique de cet Hymne, présente dans presque un quart du ṛgveda, composé dans ce moule métrique de 24 syllabes, distribuées en trois (pāda) de 8 syllabes, les deux premiers pāda étant traités comme un hémistiche, séparé du 3ème par une césure (trait vertical simple ou double). Des contraintes de quantité syllabique caractérisent ce mètre védique (chandas).

Enfin, cette formule liturgique, éminemment sacrée, est représentée par une Déesse gāyatrī, symbolisant la poésie, la beauté, décrite avec ses vêtements blancs, ses parures, pure, gracieuse et auspicieuse.

Usages du mantra gāyatrī

1/ Ce mantra doit être chanté à des moments précis, déterminés par la position du soleil dans le ciel ; cela correspond à trois jonctions particulières, appelées sandhya, ou périodes de transition : le matin au lever exact du soleil ; à midi, lorsque le soleil se trouve au zénith de sa course, et au coucher du soleil.
 
La gāyatrī accompagne traditionnellement le rituel de « l’agnihotra », la cérémonie domestique consistant en offrandes (hotra) de grains de riz, de beurre purifié et d’eau au feu sacrificiel (agni), pratiquée par tout hindou, au lever et au coucher du soleil. La puissance du mantra est potentialisée par l’action purificatrice et illuminatrice du feu, et l’ensemble du rite stimule le feu intérieur, la guérison de l’ignorance et l’éveil à la source spirituelle. Le chant du tryambakam (dont nous avons parlé dans le numéro précédent) peut être associé à ce rituel et le rendre encore plus efficace.
   Un passage d’un grand texte, le śatapathabrāhmaṇa, souligne la fonction essentielle de ce rituel :
 
 
Un passage d’un grand texte, le śatapathabrāhmaṇa, souligne la fonction essentielle de ce rituel :
 
« lorsqu’on offre l’oblation du matin
(agnihotra) on engendre le soleil qui se fait
lumière et, resplendissant se lève.
Si on arrêtait, il ne se lèverait plus. »
 
 
2/ La gāyatrī peut être pratiquée à tout moment, hors des sandhya, sans être associée à un rituel védique. Elle se présente alors comme un hommage et une prière au divin Soleil (homa), père et créateur des mondes, qu’il engendre et nourrit par sa lumière, et qu’il régénère à chaque instant.
 
Il est, dans le ciel, le symbole même de l’unité, « lui dont le char n’a qu’une roue » (ekacakraratha), lui qui est appelé « l’œil de Brahman », à la fois transcendant et immanent sur la terre par ses multiples rayons.
 
De nombreuses traditions vénèrent à propos le Soleil et ses multiples fonctions bienfaitrices. Pourvoyeur de lumière et de chaleur, il engendre et fait croître la vie.
 
Mais au-delà de ses bienfaits physiques, il représente la Lumière de la Connaissance, la Vérité Une et transcendante, la Conscience divine, source de l’univers manifesté.
 
La pratique de ce mantra, dans la concentration et l’intériorité, avec conscience des valeurs évoquées, est hautement bénéfique, harmonise les énergies, dissout l’égo, établit ouverture, paix, équanimité et plénitude. Un exercice salutaire est de chanter ou psalmodier 108 fois le gāyatrī mantra, en groupe ou seul.
 
Une autre pratique est celle du japa, récitation répétée sur un long temps, murmurée ou mieux, récitée intérieurement. Si on s’exerce ainsi assidûment, dans le lâcher-prise, le cœur unifié dans la lumière, le mantra finit par s’installer dans l’être intérieur, et se répète de lui-même sans effort, spontanément. Cette énergie vient illuminer l’être tout entier, libérant la Conscience divine.
 
Cette récitation mantrique ou ce japa peuvent être pratiqués avec n’importe quel autre mantra sacré, comme le tryambakam par exemple. Mais on peut affirmer que la gāyatrī constitue un support exceptionnel universel.